Ce texte est dédié à Thierry Houlmann, Président de la Fédération genevoise des Jardins familiaux. Rassurez–vous, il n’est pas décédé, il est bienvivant, bien présent, bien inventif, bien «proche aidant» de la culture maraîchère.
Chers amis, je vais vous parler de mon jardin, celui de mon enfance.
Des massifs de buis entouraient les plants où les poireaux sortaient déjà. Au milieu du jardin, là où les massifs de buis formaient des arabesques compliquées, se dressaient des tulipes d’un rouge transparent. Les pensées jaunes qui les entouraient modestement se fanaient déjà.
Un jour, il faisait beau dans le jardin. C’était le début de l’été. Le soleil blanc et sans l’ombre de midi effaçait les reliefs. J’étais étourdi de lumière, ébloui de couleur, presque accablé par la dominance du vert dont la trop grande clarté mêlait les innombrables tonalités. Je revenais lentement vers la maison.
Sur le moment, je n’ai pas remarqué qu’on avait laissé la porte-fenêtre entrouverte. A l’instant de franchir le seuil, je me suis légèrement retourné, je ne sais pourquoi; juste à cet endroit la vitre formait miroir et réfléchissait le jardin. D’un coup d’œil, j’ai comparé l’original et sa reproduction qui se côtoyaient dans mon champ de vision. J’ai rêvé longtemps de pénétrer le jardin de la vitre. Autour du verger il n’y avait ni murs ni palissades, mais de l’air seulement. C’était l’air qui, de toutes parts, formait magie de la clôture du jardin, si bien que nul ne pouvait y entrer qu’en volant par-dessus.
Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme, comme les fascinantes Belles de nuit… J’imagine l’ami Thierry, l’œil égrillard regardant ces Epiphyllum Oxypeladum – fleurs qui s’épanouissent à la tombée de la nuit et se fanent le lendemain main… courte vie de la beauté. Elles sont les gardiennes vigilantes de l’environnement poétique pour le promeneur solitaire en ce havre de sérénité où la goualante de la nuit s’accorde au chant de ces gracieuses et humbles fleurs nocturnes.
Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il faut. Le jardin est une méditation à ciel ouvert, un secret révélé à qui le mérite. Il y a dans les herbes, les semences, dans la nature des arbres et des pierres, bien des forces capables de remuer et d’apaiser nos âmes. Il pousse plus de choses dans un jardin que n’en sème le jardinier :
Celui qui plante un jardin, plante le bonheur
Proverbe français
Denis Gardon (inspiré d’un poème de Karel Čapek, 1890 – 1938)
Superbe énoncé! Merci!
isabelle